Depuis le début de l’épidémie, les cliniciens, réanimateurs notamment, ont identifié l’âge, le sexe masculin, l’obésité et l’existence de pathologies sous-jacentes comme les principaux facteurs de risque de développement d’une forme grave de l’infection par Covid-19, d’hospitalisation en réanimation et de décès. Ceci a conduit le gouvernement à recommander aux seniors et aux patients fragiles de continuer à limiter les sorties et les contacts avec l’extérieur. Mais peu de statistiques nationales existent pour objectiver ces observations.
Le JAMA, journal scientifique, a rapporté, en février, dans une étude chinoise portant sur 44 672 malades confirmés, que le taux de mortalité passait en effet de 2,3% pour l’ensemble de la population, à 8% pour les 70-79 ans et même à 15% au-delà de 80 ans. La nouvelle et importante étude OpenSAFELY, vient préciserles choses en analysant le poids respectif des différents facteurs de risque indépendamment les uns des autres, à partir des données de plus de 17 millions d’anglais de plus de 18 ans dont 5 683 décès attribués au Covid-19. La sentence est brutale : selon la tranche d’âge l’amplitude de variation du risque de décès par coronavirus à l’hôpital est énorme. Il est multiplié par 2 à 60 ans, 5 à 70 ans et 12 à partir de 80 ans. A l’inverse le risque est divisé par 14 entre 18 et 40 ans. En comparaison les augmentations de risque liées aux comorbidités, même si elles sont importantes, semblent moindres : d’un facteur 2 pour les obésités morbides (IMC>40) à plus de 4 en cas de transplantation.
Un nouveau sujet d’inquiétude pour les services de réanimation concerne les caractéristiques socio-économiques des patients hospitalisés dorénavant plus souvent issus des classes moyenne et populaire. Au fil du temps c’est un nouveau profil de patients qui est vu : « Des patients plus jeunes, exposés par leur profession : soignants, ambulanciers, agents des pompes funèbres ou de sécurité » déclare le Dr David Luis, réanimateur à Beauvais, dans les colonnes du JDD du 10 mai L’économiste Nadine Levratto du CNRS à Nanterre confirme, quant à elle, le lien entre l’impact du virus et les données socio-économiques des territoires : les hospitalisations, les décès et la surmortalité augmentent avec la densité en population, la part d’ouvriers dans la population active et les inégalités de revenus ! La Seine Saint-Denis, un des départements les plus touchés par l’épidémie, est l’exemple-type. A l’inverse ces indicateurs chutent lorsqu’il y a un accès au soin plus facile, notamment aux services d’urgence et de réanimation. Par ailleurs le statut migratoire aurait également un impact. Les chercheurs anglais de l’University College of London ont pointé un risque de mourir 2 à 3 fois supérieur pour les personnes d’origine africaine, asiatique et d’autres minorités ethniques au Royaume-Uni. Certains hôpitaux français, notamment dans le Nord de la France ont également remarqué que la communauté d’origine africaine semblait « surreprésentée dans les cas graves ». Il faudra attendre les résultats des deux enquêtes socio-démographiques de large échelle lancées par l’Inserm pour en savoir plus.